Folie abyssale
Illustration:
Lost de Sutuncel, deviantART
Plus de réalités, plus d’existence.
Volets clos, portes closes, verrouillées. Ne plus accéder au monde ne
plus laisser le monde l’approcher, cloitrée.
Plus rien d’humain, elle agit telle la bête qui la bouffe, la déchiquette
viscéralement. Elle tourne en long, elle tourne en large, elle tourne en
travers… Seul le mouvement importe, puis se prostre dans un coin, se cache.
La musique hurle, rythmes barbares, rage, colère, détresse.
Un peu plus tôt, elle souriait, riait même. Le soleil éclatant et chaud, les
rires d’enfants dans le jardin, le chocolat tièdement fondu par le soleil… Des
rêves si beaux, si doux, puis cette sensation, toute en légèreté, amour et
force de bras autour d’elle. Frissons. Soupir mais sourire.
Ce soir elle est seule. Cloîtrée. Prostrée.
Finis les rires d’enfants, le soleil et l’ange gardien, elle est seule l’a
toujours été… Le sera toujours.
Plus rien ne compte, plus rien n’existe. Les sentiments et la raison ne sont
plus.
Seule sa douleur persiste. La musique couvre les sanglots incontrôlables.
Cette bête insidieuse qui s’insinue en elle l’empêche d’hurler, elle le ferais
si elle pouvait. Le souffle se coupe par instant, plus la force de respirer.
Un peu plus tôt elle est rentrée, seule, bien décidée à prendre certaines
choses en main, bon une et demie, mais en main tout de même.
La vaisselle, le linge, l’aspirateur, une douche puis la balance.
La balance elle ne l’a jamais aimée, une cerbère qui la met en garde.
Elle la ressort quand elle se sent mieux, c’était le cas.
Moins huit kilos en moins d’un mois.
Merde !
Elle l’avait senti. Allongée, les côtes saillissent un peu plus. On lui a fait
remarquer aussi.
Un vrai repas durant ce temps, se nourrissant de chocolat et de liquides divers
et variés, tout ce que son corps acceptait…
Sac vide ne tient pas debout.
Sac vide s’est effondré.
La souffrance ne s’apaise pas, l’esprit ne veut se taire.
Elle préfère manquer de sommeil que de vivre les cauchemars. Les réveils
hurlants, pas sûre d’être éveillée, trempée, glacée.
Les cauchemars sont éveillés ce soir.
C’est trop tout ça, trop dur, trop vite, trop énorme, trop insensé, trop
démentiel.
Trop de responsabilités, toute seule, pas de courage, plus de courage. Le
désespoir.
Morphiniques, opiacés, une telle quantité… amassée durant des mois de
souffrances. Pourquoi les avoir gardé ? Pour être efficace le moment venu ?
Ils sont là, juste à côté.
Vider la tête ne plus penser.
Puis le signal d’alarme retenti.
La vie, les rires d’enfants, l’ange gardien, l’espoir.
Faire face, se relever des abysses, affronter.
Vivre.